Les bois dominant la vallée de Reherrey, à Vecoux
Les ruines sont une part intégrante du paysage des Vosges Moyennes, témoins d'un mode de vie rural et pastoral aujourd'hui révolu.
Ces anciennes bâtisses situées dans les hauteurs, éloignées de l'activité industrielle, ont petit à petit laissé place aux habitations situées dans les villes des vallées, victime du micro exode rural des Vosges Moyennes...
Encore aujourd'hui, elles constituent souvent une trace discrète de l'histoire de lieux très souvent ignorés et loin de tout ...Les prés de Gérardfaing (590 mètres), à Bellefontain
La moyenne montagne vosgienne possède une caractéristique toute particulière en ce qui concerne son habitat. De très nombreuses ruines témoignant très majoritairement d'un habitat pastoral ou agriculteur forestier se trouvent disséminées dans cette aire géographique. Cette zone d'habitat se situe entre la Vôge (et les contreforts gréseux au nord de la Moselle) à l'Ouest, et les Hautes Vosges à l'Est. Les Vosges Moyennes où se concentrent les ruines possèdent une unité paysagère : moyenne montagne aux altitudes et dénivelés modérés, entrecoupée de vallées principales et secondaires larges. L'aire géographique se prolonge au nord vers les Vosges gréseuses, où les caractéristiques de l'habitat sont similaires, seuls changent la nature du sol (le grès remplace le granite) et des paysages (altitude plus faible au nord).
Il est remarquable de constater l'absence d'habitat ruiné dans la partie des Hautes Vosges (correspondant aux derniers massifs de crête). Cette disposition géographique est due principalement pour des raisons climatiques, la rudesse du climat étant beaucoup plus importante dans les derniers massifs de crête (neige et froid plusieurs mois dans l'année), et au-delà de 800 mètres d'altitude les conditions deviennent difficiles. La Vôge quant à elle n'est que marginalement concernée par les habitats ruinés.
Dans les Vosges Moyennes, les ruines s'étagent dans le relief sur des altitudes allant grossièrement de 450 mètres à 800 mètres.
Les sommets des reliefs étaient peu peuplés du fait des conditions climatiques plus difficiles et de l'isolement important. En effet, les Vosges, au climat océanique dégradé à tendance montagnard humide, ont des conditions climatiques changeantes fortement influencées par les lieux. Ainsi, l'altitude progressant, les témpératures baissent sensiblement avec en corrolaire une augmentation de la pluviométrie. De plus atteindre le sommet depuis la vallée était fort malaisé, en particulier par mauvais temps et par neige.
D'où le choix pour de nombreuses fermes, d'une implantation dans le bas et le moyen relief à proximité d'une vallée principale (Moselle, Moselotte, etc.) ou secondaire (Ruisseau du Dessus de Rupt, Ruisseau de Grandrupt, etc.). Cette disposition permettait des conditions climatiques acceptables avec une accessibilité encore relativement aisée. Il semble néanmoins que ces fermes fussent en mesure de vivre en autarcie pendant une longue période (en hiver notamment) par leurs propres moyens, par l'utilisation des ressources produites et éventuellement stockées.
L'habitat
qui existait encore au début du 20ème siècle
sur les reliefs des Vosges Moyennes était extrèmement
dispersé, sous la forme d'un véritable mitage de
constructions de toutes dimensions allant de la grande ferme au
simple lieu de stockage. Toutes ces constructions, aisément
visibles sur les cartes datant de la Belle Epoque, s'étalaient
sur les reliefs de Cornimont au Val d'Ajol. Parfois elles étaient
regroupées entre elles, formant des sortes de petits hameaux.
On ne peut dire avec exactitude de quand date ces implantations par
manque d'indices matériels et historiques même si des
actes et des registres existent et mentionnent probablement ces
lieux. L'hypothèse la plus raisonnable laisse à penser
qu'elles sont pour la plupart liées à l'accroissement
de population que connut les Vosges et la Lorraine après la
fin d'une longue période de troubles et le retour à la
paix à partir du règne du Duc Léopold qui se poursuivit tout
du long
des 18ème et 19ème
siècles (brièvement entrecoupée par la
Révolution et l'Empire). Mais les Vosges Moyennes furent assez
densément peuplés depuis une époque antérieure,
et le défrichement et l'habitation des reliefs tout autant.
Au début du 20ème siècle, les forêts des Vosges Moyennes avaient été massivement défrichées et les massifs en partie dénudés, il en résultait des paysanges bien plus ouverts qu'aujourd'hui. C'est particulièrement le cas sur les hauteurs des vallées de la Haute Moselle et de la Moselotte ainsi que dans les Vosges Saônoises. Le relief se répartissait entre forêts et pâturages, ce qui n'est plus guère le cas aujourd'hui. Seuls les plus hauts sommets étaient davantage boisés, notamment autour de Longegoutte. Le Fossard et les forêts de Remiremont étaient également bien boisées, alors que le Haut de Bélué était entièrement défriché.
Carte du Pays de Remiremont au début du 20ème siècle
Il faut remettre l'existence de ce phénomène dans un contexte de surexploitation des forêts vosgiennes alliée à une surpopulation des campagnes. La nature offrait des possibilités très importantes pour ses habitants, permettant aux Vosges d'être plus peuplés que la Meurthe (Nancy) au début du 19ème siècle. Les Vosges devinrent une montagne avec une densité de population exceptionelle. Mais cette nature atteignit ses limites au cours de ce siècle et la vie agricole finit par devenir difficile du fait des faibles rendements d'une terre ingrate pour les cultures. A cette époque, l'espace était utilisé de manière extensive tout en étant peuplé de manière intensive, d'où le mitage des reliefs par les habitations. L'industrialisation, nourrie par les possibilités naturelles (eau, bois) et par une population nombreuse, apporta une bouffée d'oxygène à l'est vosgien très peuplé par de nouvelles activités économiques tout en réduisant la pression sur l'espace.
L'existence des ruines est due à plusieurs facteurs, dont le premier est la désertification des montagnes au profit des vallées. En effet, lors des révolutions industrielles, les vallées se sont industrialisées (phénomène bien antérieur à l'arrivée massive du textile après 1871). Les vallées se sont alors peuplées de manière intensive (la distribution actuelle de la population en est la résultante), les gens allant trouver du travail, ainsi que de meilleures conditions de vie ailleurs que dans les fermes des hauts aux conditions très rudimentaires. La jeunesse tourna le dos à une vie héritée du Moyen Âge, que leurs ancêtres avaient connus depuis des siècles.
La vallée de la Moselle et la montagne à Maxonchamp de nos jours
L'habitat, qui était alors bien disséminé, et équilibré entre vallées et montagne, se concentra dans les vallées. Les cités ouvrières apparurent, les villages grossirent et devinrent des villes. Cet âge vit son apogée au début du 20ème siècle, au moment où la puissance des villes comme Remiremont fut proportionnellement bien plus importante à l'époque qu'aujourd'hui.
Ce fut une véritable révolution dans les Vosges, que ne connu pas les autres régions de France, ou plus tard comme dans le Massif Central aux 19ème et 20ème siècles.
La plaine lorraine ou la Vôge ne connut pas, ou très peu ce phénomène, si bien que l'habitat y est très dispersé en de nombreux petits hameaux ou fermes isolées, qui continuèrent à être habitées, et qui se sont modernisées petit à petit (les environs de Xertigny sont intéressants à cet égard car l'habitat est proche de celui existant dans la moyenne montagne). Ces zones n'ont pas connu le choc de l'industrialisation tel qu'ont connu les vallées (l'industrie y était néanmoins ancienne comme le montre les anciennes tréfileries de la vallée de la Sémouse).
Une parcelle reconquise par la forêt au 20ème siècle, à Rupt-sur-Moselle
La
tendance séculaire au défrichement fut brutalement
stoppée au tournant du 20ème siècle, un peu plus
tard que le reste de la France.
Le
pastoralisme mourut peu à peu de
l'industrialisation et des changements sociaux qui s'en
accompagnèrent, si bien que la forêt reprit ses
droits. Les
fermes basées sur le pastoralisme ont périclité
du fait de l'exode vers les vallées en quête d'une vie
meilleure. Les plus isolées ont été alors
abandonnées, tombant en ruine.
Les
pâturages, désormais
inutiles et improductifs ont été rendus à la
forêt par le plantage massif de résineux à
croissance rapide. Les forêts connurent une période
d'expansion intense tout le long du
20ème
siècle, les paysages se refermèrent mais ne
gagnèrement pas véritablement en biodiversité.
Ce phénomène perdure encore à l'heure actuelle.
Il est criant dans les Vosges Saônoises (vallée du
Breuchin) où les résineux ont presque totalement
réoccupé les terres qui furent autrefois défrichées.
L'industrialisation ne saurait à elle seule expliquer la fin de ce type d'habitat, la géographie montagneuse et la difficulté d'accessibilité l'expliquent également. Très souvent, le seul lien reliant les fermes aux vallées furent des chemins empierrés exigus et pentus. La manque d'accessibilité et l'éloignement expliquent aussi l'abandon des fermes d'altitude, sans compter l'enneigement qui bloquaient tout des mois durant.
Les habitations, d'une architecture toujours très sommaine, étaient constituées le plus souvent de morceaux de granit taillés et liés assez grossièrement entre eux par du mortier et recouverts d'une couche de finition. Au-dessus, la charpente était toute aussi sommaire, recouverte de tuiles pour toît plate en terre cuite. Les fenêtre étaient très simples, petites (environ un mètre de large) et carrées et composées de quatre plaques de verre plat. Les portes étaient enfin constituée d'une planche de bois travaillée.
La ruine de Ligebierupt, à Rupt-sur-Moselle
Avec le temps et l'abandon, la charpente finit par se dégrader et céder, avec les murs perdant leur finition et étant peu à peu attaqués par la désagrégation du mortier liant les blocs entre eux. Les habitations finissement à la fin par ne plus ressembler qu'à un ensemble de murets de pierre carrés envahis par la végétation. C'est par l'état d'avancement de la dégradation des habitations que l'on peut raisonnablement juger de l'ancienneté de l'abandon, même si la situation et la qualité de l'habitation comptent pour beaucoup dans la rapidité de la dégradation.
Certaines
anciennes fermes ont pu perdurer en devenant des maison d'habitation
pour les travailleurs de la vallée ou alors des habitations secondaires.
On
ne sait finalement qu'assez peu de choses du quotidien de
l'époque, de la manière comment se déroulait la
vie pastorale dans cette partie des Vosges. Celle-ci devait
ressembler à peu de choses près à celle des
chaumes des ballons des Vosges.
Les fermes possédaient pratiquement toutes un nom, comme de
nombreuses fermes isolées ou hameau en possèdent à l'heure actuelle
dans
les Vosges. Ces toponymes sont menacés de disparition,
certains qui apparaissaient dans la cartographie officielle de 1976
ont d'ailleurs disparu dans l'édition de 1994.
Aux
côtés des ruines d'habitations se trouvent dans la très
grande majorité des cas des voies pavées, aujourd'hui
bien oubliées dans les forêts de résineux.
Si
les voies pavées des forêts vosgiennes ressemblent fort
aux voies romaines dans leur structure, elles en diffèrent en
revanche grandement. Elle ne correspondent pas du tout à la
même époque, leur méthode de construction n'ont
rien à voir tout comme leur rectitude, et enfin leur objet est
tout différent. Les voies vosgiennes ont été
construites après le Moyen Âge, plutôt vers les
18ème-19ème siècles, elles sont simplement
composées d'une – voire exceptionellement deux – couches
de blocs de granit larges, elles ne sont pas droites et étaient
destinées à des usages strictement locaux.
Le pavage du chemin du Haut Pré, à Rupt-sur-Moselle
On retrouve des voies pavées principalement dans le secteur des Vosges Moyennes, concomitamment avec les ruines.
Il est très difficile de dater l'époque de constrution de ces voies pavées à l'instar des ruines qui y sont associées. Les indices matériels font cruellement défaut. Il semble que leur abandon date de la même époque que celle des ruines même si elle continuèrent pour la plupart à être utilisées pour se rendre dans les hauts. Les chemins pavés, qui remontaient de la vallée vers les hauts, étaient destinés à desservir les fermes et pâturages d'altitude et à nourrir leur économie (passage des animaux et du bois). Il y avaient de nombreux chemins de ce type dans le secteur, car à chaque ferme d'altitude correspondait un chemin la plupart du temps pavé. Ceux-ci furent également utilisés pour l'exploitation de la forêt.
Leur dénivelé est très variable sans être excessivement important, de manière à laisser passer des chariots ou autres. Si la pente est trop forte, le chemin effectue des petits lacets (à 45° la plupart du temps). Il peut arriver que le chemin attaque la pente de front, mais uniquement si celle-ci reste modérée.
Leur
état d'aboutissement est variable, certains chemins étant
très peu pavés, d'autres plus richement. Certains
chemins menaient à des fermes nombreuses et/ou importantes,
même si ceci ne semble pas lié à la qualité
du pavage. Certains chemins très bien pavés ne mènent
à aucune ferme, ou alors de faible importance.
Il
en est de même pour leur état de conservation, qui
dépend surtout des lieux et des facteurs potentiels de
dégradation, comme le passage de l'eau ou encore des engins
forestiers.
Un
grand nombre de chemins pavés n'existent plus car devenus des
routes caractéristiques en lacets avec leurs murets de pierre.
Structure du pavage mis à nu, sur le chemin de Ligebierupt
Les pavés sont généralement composés de blocs rocheux imposants, allant de 10 cm environ à plus de 50 cm. La taille des pavés montre les capacités techniques dont disposaient les habitants de l'époque. Ils sont exclusivement composés de granite, roche du massif vosgien, abondante et facile à travailler grossièrement tout en étant extrêmement résistante à l'érosion. Leur disposition n'est pas aussi régulière que celle des voies romaines, les blocs disparates se complétant les uns les autres pour couvrir la largeur du chemin. Les blocs sont arrondis, polis et/ou usés par le passage des hommes et l'érosion. Bien entendu chaque chemin avait son propre pavage avec des tailles et des disposition pouvant varier même si la méthode globale demeurait le même car parfaitement adaptée au massif et à ses contraintes.
La largeur des chemins n'est pas très importante, environ deux mètres et leur longueur ne dépassent pas le plus souvent quelques centaines de mètres.
Le long des chemins, et également pour séparer les propriétés, on disposait des murets de pierre, composés d'énormes blocs sur une hauteur alalnt jusqu'environ 1 mètre. Ces blocs sont de la même nature que ceux servant à paver les chemins.
Limite de parcelle en forêt, près de Ligebierupt
Les
parcelles située aujourd'hui en forêt étaient délimitées
par ces murets de faible hauteur (50 cm environ). Ces parcelles
servaient essentiellement à la pâture.
Certains
segments pavés sont en parfait état de conservation, il
en existe de très beaux exemples à
Rupt-sur-Moselle (comme les ruines du Vieux Xard, de Ligebierupt, du
Haut-Pré et de Lampiay, voie de la roche Jaugeon).
La
voie menant à la ruine du Haut Pré (partant du GR7, près
du chalet de la Fouillotte, au niveau du sentier Club Vosgien
descendant vers Rupt-sur-Moselle) est dans un magnifique état
de conservation sur quelques dizaines de mètres.
Il faut concevoir la voie pavée ainsi que les murets et la ferme comme un tout, Ligebierupt en est un parfait exemple.
L'ensemble de Ligebierupt, avec son chemin pavé, ses murs et sa ruine
Les ruines sont nombreuses dans les Vosges Saônoises, autour de Rupt-sur-Moselle, entre Cleurie et Vologne; elles se diffusent de manière plus discrète sur l'ensemble de la zone géographique.
Certaines sont en état de décomposition avancé (seules les bases restent), d'autres ont été abandonnées plus récemment (les murs et parfois de la charpente subsistent).
Ces ruines partagent les mêmes caractéristiques :
- Une forme
rectangulaire, d'une dimension plus réduite qu'une maison
individuelle actuelle de même forme.
- Un étage, très rarement deux; habitat assis au niveau du sol voire un
peu en dessous
- Parfois des dépendances (structures de plus
petite forme) ; magasins conservant froid ou destinés
au salpêtre.
- Une situation toujours en bord de chemin, très
souvent à proximité immédiate d'un ruisseau
ou d'une source d'eau.
Conclusion
:
- L'habitat actuel dans les Vosges Moyennes peut se décomposer en trois catégories : habitat des vallées, fermes de montagne, ruines de montagne.
- Le réseau carrossable actuel repose principalement sur les anciennes voies pavées et ne représente qu'une partie visible de l'ancien réseau de voies.
- Un pan entier de l'habitat
montagnard vosgien historique est définitivement voué à
la disparition. De nombreuses fermes sont encore de nos jours abandonnées et menaçent ruine à terme. L'entretien, la remise en état et la promotion de ce patrimoine unique seraient intéressants à plusieurs égards, notamment touristique.
La majeure partie des chemins est demeurée en l'état, mais certains chemins se confondent aujourd'hui avec les routes de montagne. Ces routes particulières sont reconnaissable à la présence de vieilles fermes sur leur côtés, mais également à la présence de murets de pierre du côté amont de la route que l'on retrouve également avec les chemins abandonnés, ou alors de vieilles croix (notamment les petites routes du Val d'Ajol). Le réseau routier des Vosges Moyennes est ancien et dans son immense majorité antérieur à l'invention de l'automobile.
Liste
non exhaustive des ruines par communes
Ces
ruines sont soit des fermes, soit des annexes abandonnées ou
en partie abandonnées.
L'appellation est soit celle de la
ferme, soit celle du lieu géographique le plus proche.
Basse-sur-le-Rupt
Haut
du Roc